Dans une entretien accordé au quotidien « Haykakan Jamanak », faisant référence à la déclaration du Primat du diocèse de Chirak, l’archevêque Michael Atchabahian, indiquant que « si le gouvernement se repentait, il pourrait rester au pouvoir », le politologue Rouben Mehrabian estime que certains hauts dignitaires de l’Église apostolique arménienne ont échoué dans leur mission en se singularisant par des déclarations qui ne correspondent pas à la vocation de l’Église. Rouben Mehrabian déclare dans cet entretien : « Il nous faut comprendre quelle est la cause de cette déclaration [de l’archevêque Atchabahian], et son pourquoi. Quoi qu’il en soit, les autorités n’ont pas à se demander si elles doivent demeurer au pouvoir ou le quitter. Il n’y a qu’un seul interlocuteur auquel elles doivent demander si elles peuvent rester ou partir, c’est le peuple. Et il y a un moment durant lequel il peut l’interroger à ce sujet, c’est celui des élections. Nul ne sait quand cette question sera posée. Pas même notre Constitution ».
Selon lui, la déclaration de l’archevêque Atchabahian donne l’impression que l’Église essaie maintenant de se démarquer des actions organisées contre le gouvernement et de sa participation aux processus antiétatiques. Selon lui, par le biais de la déclaration du Primat du Chirak, l’Église tente peut-être de lancer un « processus d’assainissement » et de distanciation par rapport à Vazken [Pakrad] Kalstanian : « Dès les premiers jours, le mouvement dans lequel l’Église est intervenue était voué à l’échec, mort-né, parce que son programme irritait la société. Cet épisode a été une séquence qui ne lui parlait pas, car elle était sans aucun lien avec ses attentes. Aujourd’hui, tout ce ressentiment pèse sur l’Église, même si elle ne le mérite pas. J’espère qu’ils – [les représentants de l’Église et de l’État]- s’engageront tous sur la voie de la réconciliation ».
Mehrabian considère l'invitation de l’Église faite au autorités de la République d’Arménie à la cérémonie de re-consécration de la cathédrale d'Etchmiadzine comme l'un des moyens de parvenir à cette réconciliation : « On peut aussi la considérer comme une mesure visant à réguler leurs relations. Ce qu’a fait l’Église à un certain moment a pu ne pas correspondre à sa vocation. Mais aujourd’hui, la vie continue, et si quelque chose a pu ne pas fonctionner comme il le fallait, il faut aujourd’hui penser une alternative positive. C'est une bonne chose qu'il y ait cette invitation de la part de l’Église. Je pense qu'il serait bon que des représentants du gouvernement se rendent à cette cérémonie, car l'Église appartient au peuple arménien, indépendamment des personnes qui occupent des postes dans l'Église. »
Pour Mehrabian « Dans tous les cas, le gouvernement ne perdra rien s’il franchit ce pas et si il participe à un événement d’importance pour toute l’Église. Si il n'y va pas, nous ne pourrons que le regretter. Il s'avérera alors que l'Église a essayé de faire un pas en avant, et le gouvernement n'a pas su apprécier son geste. Même si tout ce que l'Église s'est permis a créé certains obstacles psychologiques, le gouvernement prendrait une sage décision en y participant car c'est dans l'intérêt de nous tous ».
Toutefois, selon le politologue, d’importants problèmes et des questions concernant l’Église restent en suspens. Selon lui, les revendications émises par la société réclament également des solutions et le peuple attend toujours de voir ce que fera le gouvernement en la matière : « Nous savons que la demande de destitution du Catholicos reste primordiale. Cependant, dans l’intérêt de ses fidèles, ce problème ne doit pas être traité et résolu par le gouvernement, mais par l’Église elle-même. Un mouvement qui l’exige existe. Ce n’est pas un mouvement initié par le gouvernement, mais par des individus. L’Église sera obligée d’y répondre. L’Église doit se tenir à l’écart de la politique car ce n’est pas son affaire. Elle doit vivre ses enseignements, même si notre Église ne dispose pas actuellement d’une doctrine sociale. Elle devrait élaborer toutes ses positions à l’aune de cette doctrine sociale et les appliquer, sans s'engager dans des luttes politiques et des déclarations aux côtés de l'opposition. »
Mehrabian affirme également que l'Église apostolique arménienne doit d'abord se libérer des pressions de la Russie : « L'un de nos principaux problèmes est l'influence trop importante de l'Église antichrétienne russe. C'est l’Église du KGB et notre Église ne devrait rien à voir avec elle. Il ne peut y avoir d’Église en Arménie qui serve, ou servirait, le KGB russe, tout comme il ne peut y avoir d’ecclésiastiques qui servent, ou serviraient, ce KGB. Il n’est pas opportun que le Catholicos de l’Église apostolique arménienne fasse une déclaration relative à la législation interne de l’Ukraine en soutenant moralement le chef de l’Église russe du KGB. »
“Haykakan Jamanak”, le 9 septembre 2024
Traduction : Sahak Sukiasyan
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