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SYRIE – La première vague de protestations contre les nouvelles autorités

Le ministre de l’Éducation du gouvernement de transition, Nazir al-Qadiri

La tentative de « réformer » les programmes scolaires suscite un grand mécontentement

Comme le rapporte Le Figaro dans son numéro du 6 janvier (page 4), les nouvelles autorités syriennes font face à une première vague de protestations après une tentative précipitée de « réformer » les programmes scolaires.

Dans la nuit du 1er janvier, le ministre de l’Éducation du gouvernement de transition, Nazir al-Qadiri, a annoncé via son compte Facebook que tous les programmes scolaires de la première année du cycle primaire jusqu’au Baccalauréat seront « réformés » et les nouveaux programmes deviendront obligatoires dès le dimanche 5 janvier. Cette « réforme » incluait la suppression de l’enseignement scientifique et certaines tranches de l’histoire du pays. Parallèlement, les chapitres sur l’Islam remplaçaient les textes à caractère national, tels que « la protection de la nation », qui devenait « la protection d’Allah ». En d’autres termes, l’« idéologie nationaliste arabe » promue par le régime d’Assad cédait la place à une « introduction à la philosophie islamique ».

Suite à cette annonce, une vague de protestations a éclaté essentiellement parmi les enseignants, les parents d’élèves et les activistes. Face à ce mécontentement, le ministre de l’Éducation a fait marche arrière dès le lendemain, annonçant que la « réforme » serait abrogée, tout en précisant que certains changements seraient tout de même maintenus. Ce recul partiel ne satisfaisant pas, plusieurs centaines de Syriens sont descendus dans la rue le 3 janvier, à Damas et dans d’autres villes. Devant le ministère de l’Éducation à Damas, des dizaines de manifestants ont exprimé leur colère :
« Ils pensent qu’ils peuvent appliquer la même recette que celle employée à Idlib sur l’ensemble de la Syrie. C’est impossible » s’exclamait l’une d’entre eux. Tout en approuvant la suppression de la propagande du parti Baas dans les manuels scolaires, les manifestants ont dénoncé les tentatives de taire la diversité du peuple syrien.

« Ceux qui ont provoqué la colère d’Allah »

Face à ces développements, Nazir al-Qadiri a de nouveau déclaré, le 5 janvier, qu’il avait renoncé à la « réforme » et que seuls « quelques changements nécessaires » seraient maintenus. « Ce n’est pas notre travail de changer complètement les manuels scolaires. Si une réforme profonde est nécessaire, elle doit être décidée par le futur gouvernement avec l’aide d’un comité spécialisé », a-t-il expliqué à la correspondante du Figaro.

Cependant, même ces modifications partielles ont suscité de vives critiques, notamment en raison de passages problématiques dans les nouveaux manuels, tels qu’un verset du Coran évoquant « ceux qui ont provoqué la colère d’Allah », où désormais les chrétiens et les juifs sont mentionnés comme « des égarés ayant provoqué la colère d’Allah ». Interrogé sur cette question, al-Qadiri a expliqué que ces références concernaient les chrétiens et les juifs de l’époque de Mahomet. Il a également annoncé que la religion, qu’elle soit islamique ou chrétienne, occuperait désormais une place importante dans les programmes scolaires et sera dorénavant prise en compte pour le Baccalauréat et les admissions à l’université, remplaçant la matière appelée jusqu’ici « éducation nationale », qui faisait l’apologie du parti Baas de Bachar al-Assad.

Islamisation de la société syrienne ?

Malgré le recul apparent du gouvernement, beaucoup y voient un signe de la volonté des autorités actuelles, notamment Hayat Tahrir al-Sham (HTS), d’islamiser la société syrienne. Les experts soulignent que cette tentative de réforme des manuels scolaires vise à influencer les jeunes générations selon leur vision.

L’absence notable de femmes aux postes gouvernementaux est également perçue comme préoccupante. Les nouvelles autorités syriennes ne cessent d’annoncer que les droits des femmes seront protégés et que tous les efforts seront mis en œuvre pour l’intégration de toutes les franges de la société. Cependant, ces promesses doivent se concrétiser pour convaincre le peuple syrien, assoiffé de démocratie.

Une intervention notable

À noter que Mgr Armash Nalbandian, primat du diocèse arménien de Damas, avait déjà abordé ces questions et bien d’autres dans une lettre en arabe adressée aux autorités le 2 janvier, mettant en lumière les préoccupations soulevées par cette réforme. ■