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Bakou, le Sommet de la honte 

Ilham Aliev avec Allahchukur Pachazadé et le Patriarche Kirill de Moscou et de toute la Russie, à l'occasion du précédent Sommet mondial des leaders religieux en 2019 à Bakou 

Par Sahak SUKIASYAN

Le caractère autoritaire,– mais parlons plutôt « vrai »,– dictatorial, du pouvoir aliévien ne fait de doute pour personne. Aucun des domaines de la vie publique azerbaïdjanaise ne lui échappe grâce à une armada de fonctionnaires et d’affidés, certains « bénévoles », d’autres ouvertement ou indirectement rétribués, parmi lesquels la totalité des responsables de toutes les religions et confessions présentes dans le pays. 

La consultation quotidienne des médias azéris suffit amplement pour juger de la situation : Ilham est « l’Alpha », et sa Vice-présidente et épouse, Mehriban, « l’Oméga » de toute chose en  Azerbaïdjan. Leurs faits et gestes, leurs discours, leurs déclarations et entretiens en tout genre avec la presse azerbaïdjanaise ou internationale occupent l’essentiel du champ médiatique toutes catégories confondues. Cette omniprésence du « Duo des Aliev » relève en même temps des traditions de la bonne vielle « Pravda » d’Aliev-père et de « Gala » et « Point de vue – images du monde », mais avec le glamour en moins. Dans tous les cas, on ne peut avoir que de la compassion pour le citoyen azéri qui doit« manger » de l’Aliev matin, midi et soir et à toutes les sauces.

Ors et déshonneurs 

Bien qu’étant à la tête d’un « État musulman laïc », comme il le rappelle sans cesse, Ilham Aliev n’ignore pas l’importance du religieux et a une compétence incomparable lorsqu’il s’agit d’instrumentaliser le phénomène religieux et d’utiliser ses serviteurs. 

Eux-mêmes personnellement sensibles aux honneurs, Madame et Monsieur sont tous deux titulaires d’un grand nombre de décorations décernées par des pays aussi différents que la Russie et … le Vatican. Ilham Aliev est réciproquement d’une grande générosité lorsqu’il s’agit de récompenser ses affidés par des distinctions honorifiques. Tous les prétextes étant bons, le centenaire de la naissance de Heydar Aliev commémoré en 2023  a été une occasion supplémentaire pour les Aliev d’honorer à peu de frais, à bas coût, tous ceux qui les servent avec zèle et constance.

Parmi ces derniers, deux responsables de « communautés religieuses » méritent incontestablement la palme d’honneur. 

Le premier d’entre eux est Robert Mobili, le fondateur de la « Communauté chrétienne albanaise-oudie » qui revendique depuis la date de la création de son officine en 2003 l’héritage de « l’Église apostolique albanienne ». Un héritage sans aucun fondement historique ni ecclésiologique, qui pourrait, au mieux, s’apparenter à un « schisme » par rapport à l’Église apostolique arménienne à laquelle ce dernier doit peut-être son baptême (1). 

Un communiqué of-ficiel en date du 2 février 2024 annonce : « Conformément au décret n° 4289 du Président de la République d’Azerbaïdjan Ilham Aliev, le Président de la communauté religieuse chrétienne albanaise-oudi, Robert Mobili, a reçu la médaille  du jubilé du 100e anniversaire de Heydar Aliev (1923-2023). » Fidèle à lui-même, en réponse à cet honneur, le récipiendaire a adressé le message suivant de remerciement aux autorités : « C’est un grand honneur et une grande fierté de recevoir la médaille du nom du leader national Heydar Aliev. J’exprime ma profonde gratitude à Monsieur le Président ».

Robert Mobili, décoré

Par un autre décret d’Ilham Aliev, l’archimandrite Alexey Nikonorov qui occupait le poste de Chancelier du diocèse de Bakou et d’Azerbaïdjan, Recteur de la cathédrale des saintes Femmes myrophores de Bakou d’octobre 2021 à mars 2024, a également reçu cette même distinction. La médaille et le certificat ont été remis à l’archimandrite Alexey par Sahib Nagiyev, le Vice-président du Comité d’État pour le travail avec les organisations religieuses, qui a indiqué que « cette distinction honorifique et commémorative lui était décernée pour les efforts visant à renforcer les relations interreligieux et interethniques, pour la promotion des valeurs multiculturelles de l’Azerbaïdjan ». Le site du diocèse russe d’Azerbaïdjan précise « qu’à son tour, l’archimandrite Alexey a exprimé sa profonde gratitude à l’État azerbaïdjanais et au président Ilham Aliev pour cette récompense et pour l’attention portée au diocèse de Bakou » (2).

L’archimandrite Alexey Nikonorov recevant sa médaille des mains de Sahib Nagiyev 

 

Si la servilité de Robert Mobili qui est une pure créature d’Aliev s’explique aisément, il en va tout autrement de celle de l’archimandrite Alexey qui est un religieux ordonné, représentant d’une grande « Église-sœur » de notre Église, l’Église orthodoxe russe. Mais cette distinction accordée à Alexey Nikonorov est largement méritée au regard de son palmarès au service de la propagande officielle de Bakou.

L’archimandrite Alexey est, par exemple, connu pour ses publications présentant le patrimoine arménien de l’Artsakh comme appartenant à la « l’Église albanienne », pour sa participation à Bakou et l’Étranger à des rassemblements interreligieux et internationaux dans lesquels il présente avec une grande ferveur toutes les thèses de la propagande aliévienne sur « l’Azerbaïdjan terre de tolérance ». 

Depuis deux ans, l’archimandrite Nikonorov est également « l’aumônier » des Oudis auxquels il rend régulièrement visite dans leur réserve-vitrine de Nij où il procède à des baptêmes et célèbre la Divine liturgie avec des « acolytes indigènes » (3) dans les églises arméniennes de ce village autrefois arméno-oudi. 

La consultation des pages du compte Facebook de cet ecclésiastique russe suffit à elle seule pour comprendre la nature des relations que ce religieux entretient avec le pouvoir azéri.

Par le même décret d’Aliev, l’évêque catholique Vladimir Fekete recevait lui aussi cette prestigieuse décoration. Seuls manquent visiblement à l’appel les responsables protestants et juifs, à moins qu’ils aient décidé de demeurer discrets autour de ces événements mondains.

 

L’évêque catholique Vladimir Fekete décoré à son tour par Sahib Nagiyev

 

Une armée de collaborateurs » au service d’Aliev

Dans cette liste des « nominés », il manque plusieurs noms. Celui de l’archiprêtre Konstantin Pominov, en charge de la communication du diocèse russe d’Azerbaïdjan, un ennemi déclaré et implacable des Arméniens qui participe de manière très active au travail de propagande de Bakou. Parmi les méfaits avérés que l’on peut lui reprocher, on retiendra de multiples  faux témoignages sur la prétendue destruction d’églises russes au Karabakh, sa participation à l’albanisation des églises arméniennes d’Artsakh (4), la tentative d’usurpation d’un sanctuaire arménien à Chouchi (5) et un faux témoignage sur la situation qui prévalait au Haut-Karabakh au lendemain de l’invasion de septembre 2020 (6).

Autre figure de la communauté russe d’Azerbaïdjan, Anastasia Lavrina, journaliste, Vice-présidente du Conseil diocésain de l’Église russe de ce pays, est également une grande propagandiste au service d’Aliev. Comme l’archiprêtre Pominov, elle s’est également spécialisée dans la désinformation au sujet de prétendues destructions des édifices du culte russe au Karabakh. Madame Lavrina est un élément important de la machine de propagande aliévienne qui intervient non seulement en Azerbaïdjan, mais également à l’Étranger. L’une de ses cibles  de prédilection est la diaspora juive déjà courtisée à l’interne par Aliev et très largement utilisée comme une des vitrines de la « tolérance » de l’Azerbaïdjan. C’est dans ce cadre qu’elle apparait le 3 mars 2022, sur le site « The J.ca | Canadian & International Jewish News » qui présentait l’une des interventions d’Anastasia Lavrina à Jérusalem (7). 

Un seul extrait de l’article suffit à s’en convaincre : « Une éminente journaliste chrétienne azerbaïdjanaise a pris la parole lors d’une récente conférence intitulée “Le Karabakh et le génocide de Khodjaly” organisée par le Centre économique pour la paix, au Centre du patrimoine Begin à Jérusalem. … Anastasia Lavrina a notamment expliqué que Khodjaly n’est qu’un génocide parmi tant d’autres commis contre le peuple azerbaïdjanais par l’Arménie. Avant et après Khodjaly, l’Arménie a commis des massacres contre les Azerbaïdjanais dans des endroits comme Agdabal, Bashlibel, Garadagli (8) et d’autres … Après la prise de Khodjaly, à l’aide de bulldozers et d’autres équipements, tous les monuments culturels ont été complètement détruits, y compris le cimetière de Khodjaly, considéré comme l’un des lieux de sépulture les plus anciens… Dans ce cimetière, il y avait non seulement les tombes d’Azerbaïdjanais, mais aussi celles d’autres peuples, d’ethnies différentes, qui y vivaient auparavant… Au début des années 90, la communauté internationale accordait très peu d’attention au Caucase, ce qui permettait de procéder à un nettoyage ethnique… (9) Les envahisseurs arméniens ont non seulement détruit le patrimoine historique et culturel, mais aussi de nombreux sites religieux tant musulmans qu’orthodoxes… Se présentant comme les défenseurs de l’ensemble du monde chrétien du Caucase du Sud, ils ont pris pour cible l’Église orthodoxe russe, fondée en 1894 et situé à 13 km du centre de la région de Khodjavend en Azerbaïdjan. Sans doute inspirée par l’exemple de la destruction … les forces arméniennes ont construit un terrain d’entraînement militaire tout près de cet endroit. L’église servait de cible, comme en témoignent de nombreuses traces sur la façade de l’édifice, provenant d’obus de gros calibre. » (10)

La journaliste Anastasia Lavrina devant l'église de Martouni (Khodjavend) qu’elle évoque

Mme Lavrina cite ensuite le cas de l’église Saint Jean-Baptiste de Chouchi qui a fait l’objet d’étranges et interminables manipulations de la part des milieux « scientifiques-universitaires » et des autorités azerbaïdjanaises. Depuis des années, et de manière récurrente, l’édifice a été régulièrement présenté par divers intervenants comme un « sanctuaire russe usurpé par les Arméniens » (11).  Mme Lavrina fait elle-même allusion à cette théorie lors de sa conférence à Jérusalem : « Pendant les années d’occupation, une autre église orthodoxe construite en 1847 dans la ville de Choucha a été victime d’actes de vandalisme. Après l’occupation de la ville de Choucha par les forces armées arméniennes en 1992, l’église a été illégalement restaurée comme église arménienne » (12). Mais elle n’est pas la seule à tenter cette manipulation.

Le 12 Juillet 2021, un article publié sur le site « Factor » rapportait la visite à Chouchi en juin de la même année du plérome des responsables religieux du pays : musulmans, juifs et chrétiens, unis dans un même élan pour saluer la « libération de la ville de l’occupation arménienne ». Lors de la visite de la cathédrale du Saint Sauveur de Tous, après avoir présenté sa version de l’histoire du sanctuaire, Aydin Kerimov, le représentant spécial d’Aliev dans la ville occupée, avait indiqué : « Les Arméniens ont tenté de falsifier l’origine de l’église pendant les années d’occupation ». Il avait également insisté sur le fait que le sanctuaire était « en cours de restauration  conformément à son origine historique », c’est-à-dire russe (13). 

À l’issue de la visite de la cathédrale, l’archiprêtre russe orthodoxe Konstantin Pominov déclarait : « C’est une ville merveilleuse, magnifique, avec une architecture ancienne et des monuments culturels. Nous venons de nous retrouver dans sa cathédrale. C’est un monument  ancien. Il existe des preuves qu’il s’agit d’un temple oudi, cela a été  établi par  les archives. Nous visiterons ensuite l’Église orthodoxe [l’Église verte], puis les mosquées » (14). 

Après avoir visité la cathédrale, les participants à cette excursion organisée à l’initiative de l’administrateur de la ville se rendirent effectivement  à l’église Saint Jean Baptiste, elle aussi en cours de restauration (15). Relatant cet épisode, l’auteur de l’article écrivait : « Le porte-parole du diocèse de l’Église orthodoxe russe de Bakou et d’Azerbaïdjan [le même Pominov] considère l’église verte [Կանաչ ժամ] comme une église russe. Pominov a déclaré aux journalistes que Chouchi était revenue en Azerbaïdjan… qu’elle était désormais libérée. » Là, en présence de Mgr Vladimir Fekete, l’évêque de l’Église catholique romaine, de Robert Mobili, chef de la communauté́ religieuse des Oudis, est des autres membres musulmans et juifs de la délégation, l’archiprêtre Konstantin a présidé en « maître des lieux » un « office commun de prières » (16). Plusieurs médias avaient alors évoqué le principe d’un transfert de l’édifice à l’Église orthodoxe russe. L’affaire semblait « conclue » entre les autorités azerbaïdjanaises et l’Église russe. Mais pour des raisons sans doute liées à la pitoyable « retraite » de l’armée russe de l’Artsakh, Aliev s’est sans doute senti libre de détruire cette église qu’il venait pourtant de faire restaurer (17). 

 

L’Azerbaïdjan victime du « syndrome du Bernard-l’Hermite »

L’Azerbaïdjan a-t-elle détruit un sanctuaire arménien ou bien russe ? En réalité, peu importe, derrière l’apparence aimable d’un « État multiconfessionnel et multiculturel », ce pays  n’a qu’une réalité, celui du chauvinisme, de la xénophobie et du totalitarisme. 

Tout ce qui n’est pas à « lui » est appelé à un jour disparaître. L’État azerbaïdjanais est, nous le savons tous, une « invention » de la Turquie, un avatar du panturquisme, un pays et un régime qui souffre du « syndrome du Bernard l’Hermite ». C’est un État omnivore et nécrophage. À la différence du mollusque du même nom qui ne colonise que les coquilles d’animaux morts, il élimine méthodiquement et soigneusement les peuples et les cultures dont il veut occuper les terres et capter leur héritage. L’épuration ethnique récente de l’Artsakh, sans doute la plus expresse et la plus radicale de l’histoire contemporaine en témoigne.  C’est le véritable visage de l’Azerbaïdjan et de son « Vito Corleone » de chef.

Au moment de la soviétisation du Karabakh, la ville de Chouchi comptait 5 églises arméniennes. Trois d’entre elles : l’église du « Monastère des Moniales » (Կուսանաց վանք, aussi appelée Անապատ ou Սուրբ Աստուածա­ծին անապատ), l’église du quartier des Akouléiens (Ագուլեցոց) et l’église du quartier des Meghriens (Մեղրեցոց) avaient été détruites dans les années 1970 sur l’ordre de Aliev-père. Saint Jean Baptiste (Սուրբ Յովհաննէս Մկրտիչ) vient de l’être sur l’ordre de son héritier. On ne peut donc que s’inquiéter pour le sort de la Cathédrale du Saint Sauveur qui était aussi présentée comme une église russe. 

Rappelons que selon « l’accord tripartite du 9 novembre 2020 »,  les militaires Russes avaient pour mission de protéger les Arméniens de la région, et par extension, leur patrimoine culturel et religieux. Un sort « particulier » avait alors été réservé au monastère de Dadivank qui était placé sous la garde du contingent russe avec la garantie personnelle de Vladimir Poutine. On sait aujourd’hui quelle a été la suite.

 

Un sommet de la honte en préparation à Bakou

Le 10 avril dernier, le Cheikh ul-Islam Allahchukur Pachazadé, Chef des Musulmans d’Azerbaïdjan et du Caucase, a annoncé la tenue d’un sommet religieux à Bakou pour la fin de l’année. Lors d’une conférence de presse, le hiérarque azéri livrait quelques informations sur cette réunion qui ne présagent rien de bien bon. Très loin de la situation qui prévaut dans la démocratique Arménie voisine où la haute hiérarchie de l’Église apostolique arménienne s’est lancé à corps perdu dans une partie de bras de fer avec le gouvernement, le discours de Pachazadé, qui ne correspond en rien à ce que l’on pourrait espérer d’un leader religieux, est en vérité celui d’un fonctionnaire soumis sans aucune nuance à un dictateur dont il n’est de ce fait que le porte-voix dans le monde religieux (18).

Évoquant la possible  participation du Catholicos de tous les Arméniens, le petit chaplain d’Aliev déclarait : « Je ne pense pas qu’il mérite mon invitation à Bakou. Je l’avais une fois encouragé à venir en Azerbaïdjan, et il est venu assister à une convention religieuse [en 2010]… Le revanchisme est la vision actuelle du monde de l’Église arménienne dirigée par le Catholicos arménien » (19). Puis, alors que la furie barbare débridée de son pays vient une nouvelle fois de s’exprimer avec la destruction intégrale de l’église Saint Jean-Baptiste de Chouchi et de la totalité du village de Karindag, son église y compris, toute honte bue, il ose affirmer : « aujourd’hui, les Arméniens et d’autres qui les soutiennent, diffusent de fausses informations sur de prétendues destructions d’églises par l’Azerbaïdjan dans les zones libérées de l’occupation. … Je n’ai aucun doute sur le fait que ces diffamations ne seront prises au sérieux par personne. » 

Que penser et que faire de cet énorme mensonge et de son auteur qui prétend accueillir ce futur sommet des religions ? Allons nous admettre et subir cette monstrueuse forfaiture sans mot dire ?

Nous Arméniens, attendons qu’aucune institution religieuse, chrétienne ou non-chrétienne, qu’aucun responsable religieux digne de ce nom, ne se rende à ce pseudo-sommet religieux. Nous nous intéresserons donc de très près à cette manifestation, à ses participants et aux déclarations faites à cette occasion. 

Les dés sont malheureusement jetés pour trois grandes manifestations internationales de premier plan. L’Azerbaïdjan sera présente aux Jeux Olympiques de Paris et en septembre les écuries de Formule 1 rivaliseront une nouvelle fois lors du « Grand Prix de Bakou ». Mais surtout, elle accueillera la « COP 29 » du 11 au 22 novembre prochain. 

Après la grande faillite morale du monde sportif et celle de la Diplomatie et de l’Ecologie, devrons nous également admettre celle des grandes religions monothéistes  ? 

L’Azerbaïdjan a sur une main le sang des Arméniens, et sur l’autre le pétrole de la Russie qu’elle transfert en Europe avec la complicité de la Turquie, malgré les sanctions prises à l’égard de Moscou.

Ce pays  ne peut abriter un sommet religieux qui ne serait qu’un show de plus comme ceux que Bakou avait organisés en 2010 et 2019.

Le 14 novembre 2019, un an avant l’attaque et l’invasion de la République d’Artsakh, Aliev avait dans son discours inaugural du second sommet (voir  ci-dessous) annoncé son plan pour l’année suivante. Nous connaissons tous la suite.

L’absence de toutes les religions, et plus encore des Églises chrétiennes, est la seule réponse à lui opposer.

Les responsables locaux de l’Église russe orthodoxe et de l’Église catholique sont peut-être des otages – c’est aussi la condition à Istanbul du Patriarche Œcuménique et du Patriarche arménien de Constantinople – mais leurs hiérérchies non seulement ne sont pas soumises au bon vouloir d’Aliev, mais elles ont le devoir de dénoncer ce dictateur qui foule aux pieds non seulement les Droits de l’homme mais aussi la loi divine.

Le choix est simple, il y a d’un côté les Ors et le déshonneur, de l’autre la foi en Dieu et en l’homme.

Il revient à chacun de choisir.

Photo de famille du précédent Sommet mondial des leaders religieux tenu à Bakou en 2019

Extrait de l’intervention d’Ilham Aliev au 2e sommet religieux de Bakou

Le 14 novembre 2019, Ilham Aliev a inauguré à Bakou le « 2e sommet religieux » par un discours fleuve dont voici un extrait consacré au conflit qui oppose son pays au Haut-Karabakh et à l’Arménie depuis plusieurs décennies.

Pour ceux qui envisageraient de participer au 3ème sommet qui se tiendra dans la capitale azerbaïdjanaise dans plusieurs mois, un avant-goût du discours inaugural qui les attend. Bonne lecture à tous !

« Parlant du dialogue interreligieux, il ne faut bien entendu ne pas se contenter d’énoncer que les aspects positifs. Nous devons également condamner fermement les tentatives visant à lier les conflits au facteur religieux. Le conflit arméno-azerbaïdjanais du Haut-Karabakh qui dure depuis de nombreuses années en est un des exemple. Il convient de préciser que le Haut-Karabakh est la terre originelle et historique de l’Azerbaïdjan. 

Des siècles durant, le peuple azerbaïdjanais a vécu et travaillé sur cette terre. Tous les noms de lieux du territoire liés au Haut-Karabakh sur des cartes anciennes, y compris les cartes imprimées par la Russie tsariste au début du 20e  siècle, sont d’origine azerbaïdjanaise.

Le Khanat du Karabakh était un Khanat azerbaïdjanais. Au début du 19ème siècle, les Arméniens ont simplement été réinstallés au Haut-Karabakh et au 20ème siècle, sa composition nationale a été largement modifiée. Je dois également souligner que si nous parlons des cartes tracées entre les républiques après la révolution bolchevique, le gouvernement bolchevique a alors décidé de conserver le Haut-Karabakh comme partie de l’Azerbaïdjan. C’est un point très important, car les historiens arméniens, passés maîtres dans l’art de déformer l’histoire, affirment que la décision a été prise de transférer le Haut-Karabakh à l’Azerbaïdjan. Tout était complètement différent à l’époque et les documents historiques le confirment. La décision a été prise de préserver le Haut-Karabakh en tant que partie de l’Azerbaïdjan. En d’autres termes, elle reflète à la fois des aspects historiques et politiques.

Cependant, à la veille de l’effondrement de l’Union soviétique, les forces nationalistes apparues au Haut-Karabakh et en Arménie ont déclenché une agression contre l’Azerbaïdjan. À la suite de l’agression militaire, 20 % de nos terres, y compris le Haut-Karabakh et sept districts adjacents, ont été occupées. 

Un génocide a été commis contre le peuple azerbaïdjanais dans ces territoires. Les Arméniens ont détruit tous nos monuments historiques et nos tombes, y compris les mosquées. 

Le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté quatre résolutions liées au conflit, qui contiennent des dispositions tout à fait évidentes sur le retrait des forces armées arméniennes de nos terres, mais l’Arménie a ignoré ces résolutions. D’autres organisations internationales ont adopté des décisions et résolutions similaires – le Mouvement des pays non alignés, l’Organisation de la coopération islamique, le Parlement européen, le Conseil de l’Europe et d’autres organisations. La seule façon de résoudre le conflit est de restaurer l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan.

À la suite de cette terrible catastrophe humanitaire, un million d’Azerbaïdjanais du Haut-Karabakh, d’Arménie et des districts adjacents au Karabakh sont devenus des réfugiés et des personnes déplacées. A cette époque, la population de l’Azerbaïdjan était de 8 millions d’habitants. Autrement dit, imaginez à quel point ce fut un désastre terrible. Malgré cela, l’Azerbaïdjan se développe avec succès et notre pays a acquis une grande autorité sur la scène internationale. La déclaration finale du Sommet du Mouvement des non-alignés tenu à Bakou le mois dernier reflète également la justice. Il convient de noter que l’Azerbaïdjan a pris la présidence de cette grande organisation. Désormais, pendant trois ans, l’Azerbaïdjan présidera le Mouvement des non-alignés par décision unanime de 120 pays. »

Traduction : Sahak Sukiasyan

––––––

(1) Jusqu’à la « Première guerre du Karabakh » des années 1990, les Oudis chrétiens d’Azerbaïdjan vivant pour la plupart dans le canton de Nij (région de Qabala), au nord de l’Azerbaïdjan, apparternaient à l’Église apostolique arménienne. D’après les sources ouvertes, Mobili est né en 1954 sous le nom de Robert Pakaratovitch Mobili (Mobilyan) [Роберт Багратович Мобили (иногда Мобилян)]. Né après la mort de Staline, il a peut- être baptisé dans l’Église arménienne. A la différence des Oudis d’Azerbaïdjan, ceux qui vivent dans le village de Zinobiani en Géorgie sont eux de confession et de rite orthodoxe-byzantins.

(2) https://pravoslavie.az/newses/news/?id=14719

(3) Les « acolytes » sont des servants d’autel. Cette information est intéressante car elle peut signifier que l’Église russe a intégré les Oudis au troupeau de ses fidèles. En effet, on ne peut imaginer que l’Église orthodoxe russe connue pour un respect rigoureux des fondements de son ecclésiologie, puisse permettre la présence à l’autel, plus encore lors de la célébration de la Divine liturgie, de servants « hétérodoxes ». On ne peut naturellement pas exclure une décision prise par « mesure d’économie », cest à dire par la suspension  des dispositions du Droit canon pour permettre une solution provisoire à un problème. Dans les années 1920, le Saint Synode du Patriarcat Œcuménique de Constantinople avait permis à ses prêtres de recevoir dans leurs églises les Arméniens survivants du Génocide afin de leur accorder tous les sacrements bien qu’ils appartiennent, d’après ses principes ecclésiologiques, à une  Églises « non-orthodoxe ».

(4) Dès le 26 novembre 2020, l’écclésiastique russe déclarait sur le site Day.Az : « Les sanctuaires pour lesquels les Arméniens sont si inquiets ne leur appartiennent pas ! » https://aqreqator.az/ru/politika/1128739

(5) L’église Saint Jean-Baptiste [Կանաչ Ժամ]

(6) Le 14 octobre 2020, dans un entretien filmé au média azerbaïdjanais  « Azvision », faisant allusion à la situation en Artsakh, ce dernier déclarait : «  Nous voulons que les personnes âgées et les enfants retournent sur leurs terres historiques. Pas une seule église arménienne n’a été détruite en Azerbaïdjan », ce qui était un faux éhonté puisque l’église de la Sainte Mère de Dieu de Mékhakavan avait  déjà été détruite. 

(7) En tant que citoyenne de la République d’Azerbaïdjan, et plus encore en tant que journaliste « chrétienne », Mme Lavrina ne peut ignorer  le sort qui a été réservé au patrimoine arménien du Nakhitchévan. La présentation qu’elle fait de l’action supposée des Arméniens à Khodjaly est naturellement une tentative grossière et malhonnête de transposition du crime accompli par son pays au Nakhitchévan.

(8) Ces trois localités sont situées dans la région de Karvadjar [Քարվաճառ].

(9) Pour la plus grande chance de l’Azerbaïdjan, la situation n’a pas changé puisque la totalité des Arméniens de l’Artsakh ont été bannis de leurs terres ancestrales dans le silence total de l’opinion publique internationale et avec la complicité des États-Unis d’Amérique, de la Russie et de l’Union européenne.

(10) Mme Lavrina confond sans doute ce site avec celui de la grande nécropole de Djugha détruite par l’Azerbaïdjan entre 1998 et 2005.

(11) « Les Arméniens ont transformé l’église orthodoxe russe de Choucha en église arménienne » titrait le site  « 525 .Az news » https://525.az/news/120803-ermeniler-susadaki-rus-pravoslav-kilsesini-ermeni-kilsesine-ceviribler. Par une grossière manipulation, les Azerbaïdjanais tentaient alors de présenter cette église comme l’église russe Saint Georges détruite par l’adminstration azerbidjanaise soviétique dans les années 1970 dans le cadre d’un plan général d’urbanisation de la ville. Voir aussi « 1 NEWS » du 22 Novembre 2020. https://en.trend.az/azerbaijan/society/1676938.html

(12) https://azerfocus.com/original-appearance-of-orthodox-church-in-shusha-returns/

(13) A ce jour, « la restauration » du sanctuaire n’est toujours pas terminée et son sort demeure plus qu’incertain. Mais nous pouvons légitimement nous attendre au pire.

(14) https://factor.am/en/2217.html

(15) Le dôme et le clocher du sanctuaire avaient été entièrement détruits par les Azéris lors de la prise de Chouchi, sans doute pour « permettre » une restauration plus conforme à leur vision de l’histoire, pour lui redonner une apparence  sans doute « plus orthodoxe », celle d’un sanctuaire russe.

(16) Le port par le religieux russe de l’épitrachilion [Փորուրար], un élément des vêtements sacerdotaux communs aux Églises orthodoxes et orientales,  alors qu’il se tient devant l’autel indique qu’il se considère comme le propriétaire « légitime» des lieux. Le fait est confirmé et accentué par la posture des autres dignitaires chrétiens – catholique et oudi – qui se tiennent dans la nef, alors que les religieux musulmans et juifs demeurent sur le seuil de l’église.

(17) Ce nouvel acte de vandalisme de l’Azerbaïdjan était dénoncé le 20 avril sur le site de l’organisation américaine « Caucasus Heritage Watch »  « https://caucasusheritage.cornell.edu/?p=1588

 (18) Le 1er mai, en prélude à ce sommet, s’est tenu à Bakou le 6ème « Forum mondial du dialogue interculturel  présidé en personne par Aliev. L’événement était organisé par le gouvernement de l’Azerbaïdjan en partenariat avec l’UNESCO, l’Alliance des civilisations des Nations Unies, l’Organisation mondiale du tourisme et l’ISESCO. Il a réuni 700 invités de plus de 100 pays. Parmi les participants figuraient des responsables gouvernementaux, des chefs religieux, des scientifiques, des représentants d’organisations touristiques, des personnalités culturelles et publiques et des journalistes. Une importante délégation de l’Église russe était présente.

(19) https://www.azernews.az/nation/224471.html

Éditorial