Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

BLOCUS – Quelques aspects du quotidien des Artsakhiotes

Ani Hovhannissian avec ses filles

Aliona Hayrapetian, correspondante du journal « Hetq » a rencontré une habitante de Sdepanakert. Elle l’interroge sur son quotidien et celui de sa famille.

J’ai rencontré Ani Hovhannissian devant l’usine « Artsakhkat » à Stepanakert à 7 heures du matin. Elle avait marché pendant une heure pour se rendre à la laiterie et s’inscrire dans la file d’attente pour acheter du lait. Elle était la 484ème sur cette liste. Mais lorsqu’arriva son tour, il n’y avait plus de lait. Ani est rentrée chez elle les mains vides après avoir fait la queue jusqu’à 4 heures du matin.

Le lendemain à 8 h30, elle fit de nouveau fait la queue pour se procurer des produits laitiers. Elle affirme  que ce jour-là 250 personnes ont été renvoyées. Ce fut enfin son tour. Ayant réussi à acheter des produits laitiers, elle appela immédiatement ses enfants pour qu’ils se réjouissent : elle avait enfin réussi acheter de la crème fraîche. Elle la ramena à la maison et la mit sur la table laissant les enfants en manger à volonté. Ani ajoute « Peu importe, je ne savais pas quand je pourrais à nouveau leur trouver de la crème fraiche ».

Les produits laitiers ne parviennent plus à Stepanakert depuis la campagne. Tout le monde doit  donc faire la queue. Lorsque vous interrogez les producteurs, ils vous répondent  « Je n’ai pas de carburant pour me rendre à Stepanakert ». Ils gardent pour eux le peu qu’ils produisent et ne le vendent pas. Ils se préparent sans doute pour l’hiver. 

En raison du manque de carburant, le pain n’est plus non plus fourni aux magasins de Stepanakert. Les gens doivent faire la queue devant des étals pour acheter du pain.

 La journée d’Ani et de son mari se passe dans les files d’attente. Ils ont deux filles : Mariam, 4 ans, et Mariné, 6 ans.

 Ani poursuit : « Un jour, mon mari est parti faire la queue à 6 h 00 du matin et il est revenu bredouille à 11h 00. Le même jour il est reparti à 22 h 00 et est revenu avec du pain à 3 h 00 heures du matin. Quand nous n’avons plus de pain et que nous n’avons pas la possibilité de faire la queue, ma mère, ma belle-mère ou un voisin m’en donnent. Personnellement, je peux survivre sans pain, mon mari aussi, mais pas les enfants. Aujourd’hui, il n’y a plus rien à manger, c’est pourquoi les gens ressentent le besoin de pain. Ils s’en contentent ».

 Selon elle, les enfants veulent parfois des choses qu’on ne trouve pas. Elle  leur répond alors : « Tu es déjà grande.  Tu ne sais pas qu’il y a un blocus, que les magasins sont vides ? Où puis-je trouver ce que tu demandes ? ».

Ani raconte que son mari coupe les pommes en quartiers et leur donne différents noms de fruits: « Il tend un morceau de pomme à Mariam et dit  en riant: prends-le, Mariam, c’est une banane, Marinka, prends-le, c’est un ananas ».

Lorsque les taxis et les transports en commun circulaient, Ani emmenait les enfants à des cours de danse et de chant. Elle ne le peut plus maintenant. Deux heures de route séparent la maison de l’école de musique. Elle déclare : « Je ne peux pas conduire les enfants d’un bout à l’autre de la ville tous les jours. Nous devrons choisir une autre école plus près de chez nous ».

Selon Ani, sa famille a de la chance. Ils possèdent un lopin de terre près de chez eux. Ils peuvent donc cultiver un potager et s’échapper ainsi de leur dur quotidien: « Je parle aux plantes du potager toute la journée. Les enfants pensent que je suis folle. Mais les plantes ont besoin d’être aimées, chouchoutées. De cette façon, elles poussent mieux ».

 Elle élève également des poulets, dont la nourriture sera bientôt épuisée : « J’avais acheté du grain et il m’en reste encore un peu. Je dois trouver une solution avant qu’il ne m’en reste plus…  Je donne souvent des œufs à mes amis et voisins pour qu’ils aient quelque chose à manger. Nous avons aussi un potager où je récolte déjà des haricots, des concombres, des citrouilles et des tomates. Beaucoup de gens n’ont même pas cela ».

 Comme tous les habitants de l’Artsakh, Ani est inquiète et découragée par l’incertitude qui règne : « J’avais deux courges, je les ai coupées et j’avais décidé de les préparer en marinade pour l’hiver. Mais je ne l’ai toujours pas fait. Je ne sais pas pourquoi. Les gens font des préparatifs pour l’hiver, mais je ne sais toujours pas si je dois le faire ou pas, si nous allons pouvoir à en profiter ou pas ». 

 Ani, vit au jour le jour. Demain est fait d’incertitudes.

 

Traduction : Sahak Sukiasyan