Par Vahram Atanesyan
1 in am – Erevan le 26 février 2024
En janvier 1999, je ne me souviens plus précisément, dans l’un des complexes de la station thermale de Djermouk,, une rencontre-débat entre journalistes arméniens et azerbaïdjanais avait été organisée à l’initiative d’une organisation internationale.
L’événement a été suivi d’un dîner officiel qui s’est transformé au bout d’une demi-heure en fête. L’un des journalistes azerbaïdjanais, actuellement en exil dans un pays européen, a lancé le mot du jour « Mieux vaut déguster le vin d’Aréni que dire des bêtises ». Chacun aura naturellement son propre point de vue à ce sujet.
A cette époque, l’auteur de ces lignes était le correspondant de la station de radio « Azatutyun » à Stepanakert et était présent non pas en tant que participant au débat, mais en tant que reporter venu couvrir l’événement. C’était pour moi l’occasion de communiquer plus librement avec mes collègues azerbaïdjanais. Au moment le plus animé de ce pince-fesses, je me suis approché de l’Azerbaïdjanais qui faisait l’éloge du vin d’Aréni. Il fronça les sourcils et me dit « que vas-tu me demander ? ». Je lui ai répondu « j’aimerais connaître ton opinion sur les événements de Khodjaly ».
Mon interlocuteur m’a demandé « Qu’est-ce qui t’intéresse précisément ? ». Je lui ai alors demandé de se rappeler si en tant que président du Majlis [l’Assemblée] Suprême de la République autonome du Nakhitchevan, Heydar Aliev avait officiellement exprimé ses condoléances aux proches des victimes de Khodjaly et comment il avait réagi plus généralement à ces événements. Il m’a demandé de ne pas brancher mon magnétophone.
Après être resté silencieux pendant un long moment, il a tiré une bouffée sur sa cigarette et a admis « qu’il ne se souvenait de rien de tel ». Il y a environ un mois, j’ai posé la même question par le biais de Facebook à un autre Azerbaïdjanais en exil et j’ai reçu la réponse « Je ne me souviens de rien de tel ».
Le lendemain des événements de Khodjaly, le bureau du procureur général d’Azerbaïdjan avait ouvert une procédure pénale et un groupe d’enquête spécial avait été créé. Il était dirigé par Mikaylov, conseiller d’État à la justice de deuxième classe. On a alors émis l’hypothèse « que la garnison de Khodjaly, les unités du ministère de la Sécurité nationale et du ministère de l’Intérieur, ainsi que les forces spéciales, les forces concentrées à Agdam et Chouchi, n’avaient pas déployé suffisamment d’efforts, qu’ils n’avaient pas obéi à un ordre unifié, ce qui avait provoqué la chute de la ville ».
Tchingiz Mustafaev, qui avait été le premier à filmer les lieux des meurtres des civils, a été tué dans des circonstances non-élucidées trois mois seulement après le début de la procédure pénale. Il avait eu « l’audace » d’affirmer que dans la vidéo qui avait été tournée trois jours après les faits et qui avait fait le tour du monde, qu’il n’avait constaté aucune traces de contusions, de scalps, de profanations de cadavres. Le lendemain de l’assassinat de Tchingiz Mustafaev, à Aghdam alors sous contrôle azerbaïdjanais, Allahverdi Baghirov, le commandant du bataillon « a sauté » sur une mine, et le lendemain, c’était au tour de son camarade Chahin Mirzoev.
Yaghub Mamedov, le « commandant des forces locales d’autodéfense » d’Aghdam, connu sous les surnoms de « Ala Yaghub » ou de « Gatir Mamed », a été arrêté sur la base d’une accusation invraisemblable et « s’est suicidé » en prison. Deux ans plus tard, Rovshan Javadov était abattu à l’entrée de la caserne des forces spéciales du ministère de l’Intérieur. Le jour des « opérations militaires de Khodjaly » ce dernier avait franchi les lignes de défense de la région d’Asguéran à partir d’Aghdam dans le cadre d’une « mission spéciale de renseignement ».
La seule personne qui a été poursuivie pénalement en relation avec les événements de Khodjaly est Fahmin Hajiyev, le représentant du parti d’opposition FPA [Front populaire de l’Azerbaïdjan], envoyé à Aghdam au moment des événements de Khodjaly. L’un des journalistes présents au procès a réussi à enregistrer ce dialogue pour l’histoire.
Le Juge: Selon vous, qui est responsable du sang des civils de Khodjaly ?
La réponse de Fahmin Hajiyev : Heydar Aliyev .
Ce témoignage a été enregistré et publié. C’est également un fait qu’au lendemain des événements de Khodjaly, Tamerlan Garayev, premier Vice-président du Conseil suprême d’Azerbaïdjan, a empêché la visite du ministre iranien des Affaires étrangères sur les lieux où les civils avaient été tués. A son retour au pouvoir, Heydar Aliev a nommé Tamerlan Garayev ambassadeur d’Azerbaïdjan.
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Le massacre de Khodjaly est l’une des pages les plus terribles et les plus sanglantes de l’histoire de l’Azerbaïdjan, ainsi que de l’histoire de toute l’humanité. Ce génocide impitoyable et cruel compte parmi les exécutions de masse les plus atroces de tous les temps.
Le 26 février 2012, cela fera 20 ans que les forces armées arméniennes, aidées par des troupes régulières de l’armée russe (du 366e régiment d’infanterie), sont entrées dans la ville azerbaïdjanaise de Khodjaly et ont massacré sans pitié ses habitants, des civils pacifiques, à cause de leur origine ethnique turque.
Pendant le massacre de Khodjaly, 613 personnes, dont 106 femmes, 63 enfants et 70 vieillards, ont été tuées sauvagement, près de 1 000 civils de tous âges sont devenus invalides, 8 familles ont été exterminées, 130 enfants ont perdu un parent et 25 enfants leurs deux parents. L’on ne sait toujours pas ce que sont devenus 150 des 1 275 civils pris en otage. A la suite de ce massacre, la ville de Khodjaly a été rasée.
Compte tenu de ce qui précède, nous appelons la communauté internationale, y compris l’Assemblée parlementaire, à condamner cette opération brutale et inhumaine et à la considérer, d’un point de vue juridique et politique, comme un crime contre l’humanité perpétré par les forces armées arméniennes.
Déclaration écrite No. 509 | Doc. 12855 | 26 janvier 2012
Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe
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Répondant à la commande de la propagande de Bakou, sa filiale de la « Communauté chrétienne des Oudis » a une nouvelle fois organisé un simulacre d’office des défunts dédié à la mémoire des « martyrs du génocide de Khodjaly ».
L’information est diffusée par le site « Udi.az » dont l’activité sporadique est l’expression exacte de la vie de cette « communauté ».
Le 26 février, on pouvait y lire : « Le 26 février 2024, des membres de la communauté religieuse chrétienne albanaise-oudie de la République d’Azerbaïdjan ont visité le village de Hadrout, district de Khodjavand et les églises albanaises. Dans ces églises, un événement commémoratif a été organisé à l’occasion du 32e anniversaire de la tragédie de Khodjaly. Des cierges ont été allumés et des prières ont été offertes aux âmes des martyrs de Khodjaly et à tous nos martyrs. Que Dieu ait pitié de tous nos martyrs ».
Pour rattraper des années d’amnésie des « Oudis », on aurait aimé qu’ils prient également pour le repos de l’âme des milliers de leurs coreligionnaires Arméniens et Oudis massacrés depuis plus d’un siècle par les « Tatars » de la région et les troupes turques entrées en Transcaucasie en 1918 et 1920.
Sahak Sukiasyan
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