La situation géographique de l’Arménie qui est enclavée, entourée par ses quatre voisins, limite sa capacité à se connecter au monde. Surtout, (quand) lorsque deux de ses voisins ont une relation nettement hostile et les deux autres ont leurs propres problèmes avec leurs voisins proches et éloignés : la Géorgie avec la Russie, et l’Iran, avec l’Occident et Israël en particulier. Ces quatre voisins ont tous l’avantage d’avoir des ports pour se relier au monde, mais jusqu’à présent, seul celui de la Géorgie est accessible à l’Arménie.
La politique étrangère et l’économie de l’Arménie actuelle sont étroitement liées à celles de la Russie, bien que cette dernière, pour des raisons historiques, ne soit pas un pays frontalier. Les liens terrestres entre la Russie et l’Arménie impliquent la traversée de la Géorgie. Cependant, les relations entre la Géorgie et la Russie, après l’effondrement de l’Union soviétique, ont connu des bouleversements et jusqu’à aujourd’hui, le monde politique géorgien reste divisé et vit sous la menace permanente d’une vive opposition entre d’une part la Russie, d’autre part l’UE et l’OTAN.
La Géorgie a aussi un rôle crucial pour l’Arménie pour établir une connexion avec l’Europe. L’année dernière, lors de l’inauguration de la statue de Némésis dans la capitale arménienne, la Turquie, en représailles, a fermé son espace aérien aux avions de passagers en direction de l’Arménie. La Géorgie offrait la seule voie aérienne possible pour atteindre l’Arménie, étant donné que le passage par l’Iran créait d’autres complications pour les compagnies aériennes européennes. Et lorsque la Russie n’a pas respecté son contrat de vente d’armes à l’Arménie, le transport de celles-ci s’est effectué via la Géorgie.
Cette situation est naturellement conditionnée par les bonnes relations de la Géorgie avec la Russie, l’UE, les USA… . Ce qui contraint l’Arménie à être tributaire de la politique étrangère d’un autre pays. La loi sur les « agents étrangers » en Géorgie a provoqué une vive tension dans les relations entre la Russie et l’Occident, suivant l’issue de la guerre russo-ukrainienne, cette tension pourrait également créer des complications pour l’Arménie si la Géorgie n’arrive pas à maintenir un juste-milieu dans cette bataille Russie-Occident.
Pour sortir de cette situation délicate, une sortie par le sud s’est présentée, avec la signature, en mai dernier, d’un accord entre l’Iran et l’Inde pour exploiter le port de Chabahar, pour lequel est prévu un investissement de 390 milliards de dollars sur 10 ans . Le projet « Carrefour de la paix » du gouvernement de la République d’Arménie, permettrait à l’Arménie d’utiliser le port iranien de Chabahar, une voie de commerce et de communication vers l’Inde et les pays du Golfe Persique.
Le 4 juin, le vice-ministre des Affaires étrangères Vahan Kostanian, faisant référence au port de Chabahar, lors de la discussion du Rapport annuel de la session conjointe des commissions permanentes de l’Assemblée nationale « Sur la mise en œuvre des revenus de l’État de la RA 2023 », a informé que par décision du Premier ministre, un groupe de travail a été créé, qui sera dirigé par le ministre de l’Économie : « Le ministère des Affaires étrangères attache une grande importance à l’implication de la République d’Arménie dans ce projet. Il pourrait y avoir un poste de douane séparé à Chabahar, ou bien celui existant devrait être utilisé, des discussions sont
en cours à cet égard et certaines études sont en cours et les décisions finales seront prises d’ici quelques mois ».
Disposer d’une sortie maritime de l’Iran dans le sud revêttrait une importance stratégique considérable pour l’Arménie, ce serait une garantie de sécurité pour le pays qui le sauverait de l’asphyxie. Suite au non-respect des accords d’alliance stratégique de l’OTSC et de la Russie avec l’Arménie, celle-ci s’est trouvée contrainte d’acheter des armes à d’autres sources, notamment à l’Inde et à la France. Le port de Chabahar de l’Iran revêt une importance stratégique, surtout quand on considère aussi la fragilité de la situation en Géorgie. Il en va de même pour assurer la diversité des marchés commerciaux.
J. Tch.
© 2022 Tous droits réservés