La réunion tripartite du 5 avril et les craintes de Bakou

Lors de la réunion tripartite Blinken – von der Leyen – Pachinian du 5 avril à Bruxelles, les attentes de l’Arménie concernant une aide en vue d’atteindre la stabilité économique ont été déçues, les milliards d’euros n’ont pas été fournis. On a annoncé la solidarité occidentale en faveur de la poursuite des réformes démocratiques et une aide économique très limitée. Ce fait n’a pas échappé aux Russes qui ont répliqué en avertissant l’Arménie de ne pas se laisser emporter par les fausses promesses de l’Occident. Cela étant dit, les déclarations publiques ne reflètent pas toujours pleinement le contenu global des négociations. À en juger par la déclaration de Pachinian, qui a qualifié la réunion d’ « excellente », cette dernière pourrait contenir d’autres points notables.

Une chose est claire, l’Occident approuve le chemin emprunté par la démocratie arménienne, sa détermination à parvenir à la paix, pour laquelle d’importants investissements militaires et économiques et une politique cohérente sont nécessaires. Le projet « Carrefour de la Paix » soutenu par le gouvernement bénéficie de l’approbation des partenaires occidentaux. Cette perspective est apparemment très déconcertante, surtout pour au moins deux pays : l’Azerbaïdjan et la Russie, qui tentent depuis le 9 novembre 2020 d’imposer à l’Arménie le corridor de Syunik sous le contrôle des troupes frontalières russes, et l’échec de ce projet brouillerait les relations stratégiques de la Russie et de l’Azerbaïdjan dans le Caucase du Sud.

Aliev a réagi très durement à la réunion du 5 avril : « la réunion de Bruxelles crée des lignes de division et tend à isoler l’Azerbaïdjan. » Et ce, malgré le fait que le secrétaire d’État Blinken et la présidente de la Commission européenne von der Leyen avaient préalablement appelé Aliev pour l’assurer que ladite réunion n’était pas dirigée contre l’Azerbaïdjan.

Pourquoi cette réaction inquiète et tendue d’Aliev ? Que révèlent les réactions d’Aliev, alors que à la frontière, les tirs azéris sur les positions arméniennes continuent, bien qu’avec beaucoup moins d’intensité ?
Les trois partenaires stratégiques de l’Azerbaïdjan, la Turquie, Israël et la Russie, sont en proie à des troubles internes ou à une guerre à long terme dont l’issue reste imprévisible. Et les relations avec l’Iran pourraient se compliquer après la frappe israélienne contre le consulat iranien en Syrie, au cours de laquelle des militaires iraniens de haut rang ont été tués. De même, avec la Russie, l’emploi aux travaux de déminage des soldats de maintien de la paix russes en Artsakh est devenu un sujet de débat public, ce qui est un chemin détourné pour les maintenir en Artsakh jusqu’en 2025. Une solution qui arrange tant les Russes que les Azéris. Il s’agit cependant d’une solution temporaire, la principale motivation du maintien de ces soldats en Artsakh étant, in fine, de faire pression sur l’Arménie afin de décrocher l’ouverture du couloir de Syunik sous contrôle russe.

La position d’Erdogan en Turquie est également affaiblie. Il est loin de s’imposer sur la scène internationale, après sa perte aux élections municipales en Turquie, de sérieuses crises sur le plan économique, son hostilité envers Israël après l’attaque de Gaza et sa requête d’un lot d’avion de chasse F-16 auprès des États-Unis limitent ses prises de positions ostentatoires.

Et enfin, le 5 avril est un tournant important pour l’Arménie: pour la première fois les États-Unis et l’Europe se sont réunis et ont exprimé ensemble leur solidarité envers la politique arménienne. Les autorités arméniennes semblent suivre irréversiblement le chemin des réformes démocratiques pour lequel le soutien occidental semble indispensable afin d’équilibrer la stratégie capricieuse et néfaste de la Russie. Grâce à l’Occident, de nouvelles armes modernes arrivent en Arménie pour prévenir la menace de nouvelles attaques azéries.

J. Tch. 

Éditorial