La Russie a-t-elle renoncé à la déclaration tripartite du 9 novembre 2020 ?

Pour la seconde fois, l’Arménie s’est tournée vers le Conseil de sécurité des Nations Unies afin de prévenir la catastrophe humanitaire causée par le siège de l’Artsakh. Cela s’est produit une première fois lors de la manifestation des « écologistes »
azerbaïdjanais et de la fermeture de la route de Berdzor. La première demande n’a pas eu de résultat positif principalement en raison de l’opposition de la partie russe. La deuxième demande est due à l’interdiction imposée aux 19 camions d’aide humanitaire envoyés par l’Arménie qui ont été bloqués devant le pont Hakari.

Cette fois aussi, la session du Conseil de sécurité (CS) de l’ONU à laquelle participaient trois pays invités, l’Arménie, l’Azerbaïdjan, et la Turquie ainsi que l’Union européenne, s’est terminée sans décision coercitive. Bien que la plupart des membres du Conseil de sécurité aient exprimé leur soutien à l’ouverture du corridor de Berdzor et à la mise en œuvre du verdict de la Cour internationale de justice, le Conseil de sécurité n’a pas pris la décision de lever le blocus. 

Comment interpréter l’absence d’une prise de position définie, la majorité des participants étant favorables à la levée du blocus ?
Comment parvient-on à ne pas condamner l’Azerbaïdjan et à ne pas l’obliger à ouvrir le corridor ? La seule explication serait qu’il faut accepter ce qu’est actuellement la réalité de la politique internationale, les intérêts des grandes puissances les empêchant de prendre une décision contre l’Azerbaïdjan. Et peut-être la proposition de l’Azerbaïdjan d’acheminer l’aide humanitaire par la voie intérieure, d’Akna (Aghdam) à Stepanakert, leur paraît-elle acceptable pour résoudre la crise humanitaire en Artsakh. Par conséquent, la principale accusation de l’Arménie selon laquelle l’Azerbaïdjan utilise la famine pour commettre un génocide contre le peuple d’Artsakh ne serait pas justifiée. Cette hypothèse est également soutenue par la Russie, affirmant que si la route Akna-Stepanakert est ouverte, la route de Berdzor le sera également, en même temps.

En résumé, ce sont les autorités de l’Artsakh qui rejettent l’offre de recevoir l’aide humanitaire via l’Azerbaïdjan. Donc, pour l’Artsakh, c’est une question de lutte pour l’autonomie et peut-être même la continuation de la guerre d’indépendance qu’il souhaite mener. Celle qui a commencé à la chute de l’Union Soviétique.

Il y a là un point très important à prendre en considération. Dans l’état actuel de la politique internationale et des conditions militaires inégales entre les Arméniens et les Azéris, les autorités de l’Artsakh peuvent-elles adopter une telle position sans l’accord des autorités de l’Arménie ? Il est impossible de mener une telle guerre sans l’Arménie. Et les autorités arméniennes ont clairement exprimé leur position à cet égard : l’Arménie n’est pas prête pour une nouvelle guerre. Si l’on exclut l’Arménie, avec quel autre pays les autorités d’Artsakh peuvent-elles prendre une telle décision ? Naturellement, tous les regards se tournent vers la Russie. Et il est très naturel que l’ordre vienne de la Russie, car le principal bénéficiaire de la guerre de novembre 2020 a été la Russie. C’est elle qui a réussi à imposer un accord de cessez-le-feu à l’Azerbaïdjan victorieuse, au moment même où ce dernier avait capturé la ville stratégique de Chouchi.

Par conséquent, le double jeu politique de la Russie consiste à être d’une part dans le rôle du défendeur de la proposition de l’Azerbaïdjan devant la communauté internationale, et d’autre part, dans celui de l’incitateur des autorités d’Artsakh à être intransigeantes. Et dans cette situation, que reste-t-il de la déclaration du 9 novembre ? De 2020 à 2023, la politique internationale a connu un bouleversement majeur. Le conflit Ouest-Est est en voie de définir une nouvelle délimitation, l’Arménie et l’Artsakh se trouvent sur cette ligne de démarcation de la nouvelle frontière. De plus, l’issue de la guerre n’est pas connue, d’ici là, il faut résister, se battre, tout en étant conscient des enjeux de la politique internationale.’

J. Tch. 

Éditorial