L’accord du 9 novembre 2020 a-t-il encore une force juridique ?

L’accord du 9 novembre 2020 a été, dès le premier jour, violé par la partie azérie. Dès que l’Azerbaïdjan s’est assuré que l’Arménie remplissait les obligations qui lui étaient prescrites dans l’accord trilatéral – retour des territoires, échange des captifs, retrait des forces armées – pour lui l’accord a été, en quelque sorte, dévitalisé. Niant ses obligations, l’Azerbaïdjan a continué ses opérations militaires, il n’a pas respecté l’obligation du maintien des positions des forces armées acquises à la fin de la guerre, il a nié la question du retour des réfugiés, il n’a pas libéré les captifs, il a exigé le couloir de Syunik contre le couloir de Latchine, et a rejeté l’ouverture des voies de communication.

Alors que toutes les négociations sous l’égide des Occidentaux et de la Russie se réfèrent à cet accord, on a  finalement l’impression que c’est pour mieux souligner l’inopérabilité de ce document, car l’Azerbaïdjan nie les principaux points de l’accord souvent avec l’assentiment intéressé de l’Occident et la participation active de la Russie en ce qui concerne les attaques et les incursions répétées dans les territoires souverains de l’Arménie, et la conquête de certaines hauteurs stratégiques de l’Artsakh ou le blocage du couloir de Latchine.  

En un mot, l’Azerbaïdjan a poursuivi sa stratégie belliqueuse, gardant sous pression permanente l’Arménie et l’Artsakh. Depuis neuf mois, à cause du blocage complet de Latchine – et malgré le jugement de la Cour internationale de justice qui a exigé son ouverture immédiate – la population artsakhiote est au bord de la famine, une catastrophe humanitaire se déroule sous le regard des grandes puissances. L’Azerbaïdjan a parallèlement poursuivi une stratégie qui consiste à imposer par des moyens militaires l’ouverture du corridor de Syunik. Il a développé un discours de revendication territoriale mettant en avant la terminologie «Zangezour de l’Ouest » pour qualifier les territoires de l’Arménie, les considérant comme faisant partie de « l’Azerbaïdjan historique ». Et ainsi l’Azerbaïdjan détient actuellement 250 km2 du territoire souverain de l’Arménie.

Les événements récents confirment de nouveau la stratégie belliqueuse de l’Azerbaïdjan sous couvert de négociations de paix. Depuis le 26 juillet, l’interdiction du transit aux 19 camions d’aide humanitaire envoyés par le gouvernement de l’Arménie en Artsakh, ainsi que l’enlèvement à la frontière de Latchine, de Vakif Khatchatrian, un patient que l’Organisation internationale de la Croix-Rouge transférait vers l’Arménie, confirment les intentions douteuses de l’Azerbaïdjan.

Après ces constatations, quelle valeur juridique attribuer à l’accord du 9 novembre 2020 ? Pourquoi devrait-il être accepté comme un document de négociation ? Pour l’Arménie, il est entendu que ce document est un moyen pour éviter une nouvelle guerre. Pour les Azéris, c’est un document qu’ils n’arrêtent pas de nier, qui leur permet de poursuivre leur guerre contre l’Arménie et de grandir leur butin que les instances internationales semblent ignorer parce que cela les arrangent.

Le 1er août, Euronews a diffusé des interviews effectuées avec le Premier ministre d’Arménie et le Président azéri. le Premier ministre arménien y a, à juste titre, mis l’accent sur le fait que la déclaration trilatérale porte la signature des trois dirigeants : Poutine, Pachinian et Aliev. Il a également déclaré que le gouvernement arménien a réalisé un audit sur toutes les décisions et obligations que les parties contractantes s’étaient engagés à réaliser lors des négociations conclues par l’Occident ou la Russie. Mais que ces manquements qui sont systématiques n’ont pas reçu la réaction appropriée par des médiateurs internationaux.

Pourquoi alors l’Azerbaïdjan a signé l’accord de cessez-le-feu du 9 novembre 2020, alors qu’il pouvait poursuivre la guerre et peut-être occuper tout le territoire de l’Artsakh. Il était en mesure aussi d’attaquer l’Arménie et de forcer l’ouverture du couloir de Syunik. La seule réponse est l’existence du facteur russe, qui a obligé l’Azerbaïdjan à s’arrêter. Et la Russie, aujourd’hui, étant embourbée en Ukraine, l’Azerbaïdjan, avec l’aide de la Turquie, devient plus agressive encore. L’évocation de ce point par le Premier ministre arménien lors de l’interview d’Euronews a été très mal perçue par Maria Zakharova, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères.

J. Tch.

Éditorial