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Le carton rouge de la Russie à l’Arménie

Lors de la conférence diplomatique d’Antalya, Lavrov a averti l’Arménie qu’il n’était pas possible de quitter l’OTSC (Organisation du Traité de sécurité collective) et de rester dans l’UEE (Union économique eurasienne). Il est clair que la Russie ne permettra pas à l’Arménie de bénéficier des avantages économiques des relations eurasiennes sans maintenir sa domination politique et militaire sur elle, comme au cours des 30 dernières années.

Jusqu’à l’incident de Nerkin Hand en février dernier, au cours duquel quatre soldats arméniens ont été tués, les autorités arméniennes faisaient très attention à ne pas nuire aux liens stratégiques avec la Russie, en cherchant à maintenir une position équilibrée. Même lors de l’adhésion de l’Arménie à la Cour pénale internationale (CPI), à la question de savoir si Poutine risquait d’être arrêté et renvoyé  devant la CPI, dans la mesure où il y a un mandat d’arrêt international contre lui, Pachinian a répondu qu’il existait des relations bilatérales entre États et que celles-ci devaient être respectées. Et concernant la question du retrait de l’Arménie de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC)  la position du gouvernement a été la suivante : l’Arménie ne quitterait pas l’OTSC, mais c’est l’OTSC qui risque de la quitter si elle renonce à ses obligations de sécurité collective.

Cependant, contrairement à l’attitude attentiste du gouvernement arménien, le temps presse pour la partie russe, car plus la guerre en Ukraine se prolonge, plus les positions russes dans le Caucase du Sud risquent d’être affaiblies. Après le nettoyage ethnique en Artsakh, l’influence de la Russie en Arménie s’est affaiblie. L’opposition est épuisée, le projet du gouvernement russe qui avait un moment misé sur le gouvernement en exil d’Artsakh et les Arméniens d’Artsakh, espérant qu’ils provoqueraient un mécontentement populaire et exigeraient la démission du gouvernement pour n’avoir pas défendu l’Artsakh, n’a pas été couronné de succès. Au contraire, les populations d’Arménie et d’Artsakh sont terriblement remontées contre les Russes face à leur inaction voire leur complicité avec les Azéris.

Les intérêts stratégiques et économiques de l’Azerbaïdjan et de la Russie (sont sur le point) tendent de plus en plus à coïncider. La Russie dépend de l’Azerbaïdjan pour exporter son pétrole et son gaz vers l’Europe. Elle utilise son réseau routier pour se connecter avec l’Iran. Et l’Azerbaïdjan, de son côté, a besoin de la manne pétrolière et gazière de la Russie afin d’honorer son contrat envers l’Europe. Mais plus encore, il a besoin de la Russie pour ne pas se retrouver seul face à l’Union européenne et aux États-Unis sur la question de la défense des droits de la population d’Artsakh, suite au nettoyage ethnique subi par cette dernière.  Rappelons qu’il bénéficie aussi du soutien turc. Mais, la Turquie négocie en ce moment avec les États-Unis l’achat d’avions militaires F-16 et n’ose pas trop contrarier ces derniers. Les positions nuancées du gouvernement turc ont été significatives lors de la conférence diplomatique d’Antalya. Même vis-à-vis de l’Arménie, il a été décidé de reprendre les négociations après une interruption d’un an et demi.

Les 4 victimes de l’armée arménienne dans l’attaque azérie à Nerqin Hand ont montré que l’armée russe stationnée à Syunik n’a non seulement pas pu empêcher l’attaque azérie, mais  elle l’a peut-être aussi provoquée. Après cet incident, les positions des autorités sont devenues très dures concernant la présence militaire de la Russie en Arménie et la coopération militaire avec elle. Concernant l’OTSC, Pachinian a déclaré que la coopération était gelée et que si nécessaire, il engagerait une action de retrait. Le président du Parlement a fait allusion à la nécessité de retirer les gardes-frontières russes de l’aéroport de Zvartnots. Parallèlement, le Premier ministre s’est rendu en Géorgie, en Allemagne, en France et en Grèce, après quoi les ministres de la Défense de la France et de la Grèce se sont rendus en Arménie, où ils ont mené des négociations sur la coopération militaire avec l’Arménie.

La suspension de la participation de la délégation azerbaïdjanaise à l’ Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe  a exercé une forte pression sur l’Azerbaïdjan. Ce dernier a été contraint de revenir à la table des négociations – grâce à la médiation du Premier ministre allemand Scholz -, et de poursuivre les réunions trilatérales  des ministres des Affaires étrangères durant deux jours.

C’est dans ces conditions tendues que Lavrov a mis en garde contre les conséquences d’une sortie de l’Arménie de l’OTSC. Et de fait, la Russie reste le premier partenaire commercial et le principal fournisseur d’énergie de l’Arménie. De même la Russie, en menaçant l’Arménie, démontre l’importance géopolitique que cette dernière présente actuellement pour elle.

J. Tch.