Missak Manouchian, le « Français de préférence, Français d’espérance », entre au Panthéon

Le 21 février 2024 restera un jour historique dans la vie des Arméniens de France.

Jour pour jour, 80 ans après son exécution et celle de ses 23 compagnons d’armes, Missak Manouchian, le héros arménien de la Résistance qui a sacrifié sa vie pour la liberté de la France, est entré au Panthéon avec son épouse Mélinée, où se reposent les GRANDS de France, comme Victor Hugo, Jean- Jacques Rousseau, Marie et Pierre Curie, Emile Zola, Alexandre Dumas, Jean Moulin et plusieurs dizaines d’autres.

Après la cérémonie de la veillée au Mont Valérien le 20 février, le lendemain a eu lieu la cérémonie solennelle du transfert des dépouilles de Missak et de son épouse Mélinée Manouchian au Panthéon*. Les Premiers ministres arménien et français Nikol Pachinian et Gabriel Attal, l’ancien président François Hollande, des ministres, des parlementaires, des ambassadeurs, des représentants de la communauté arménienne, des journalistes et une foule nombreuse étaient présents aux côtés du président Macron à l’occasion de cette cérémonie.

Les cercueils de Missak et Mélinée Manouchian, recouverts du drapeau français, sont entrés au Panthéon portés sur les épaules. Patrick Bruel a lu avec une émotion non dissimulée la dernière lettre de Missak adressée à Mélinée, le réalisateur Serge Avedikian a cité un à un les noms des 23 compagnons d’armes de Manouchian morts pour une France libre, les élèves de l’Opéra Comique ont interprété « Ils sont tombés » d’Aznavour et le fameux poème d’Aragon « Strophes pour se souvenir », si joliment chanté par Léo Ferré dans « L’affiche rouge » a été interprété par Arthur Tréboul, le jeune chanteur du groupe Feu! Chatterton.

Puis, le président Emmanuel Macron a prononcé un discours historique en présence de plus de 1000 invités, dans lequel il a notamment déclaré :

« Cette odyssée, celle de Manouche et de tous ses compagnons d’armes, est aussi la nôtre. Odyssée de liberté et de sa part ineffaçable dans le cœur de notre nation… Un résistant qui a décidé de mourir pour notre nation, qui pourtant avait refusé de l’adopter pleinement », annonçant une « reconnaissance en cette heure de leur part de résistance ».

Le président a salué un homme « libre », un « poète » devenu « soldat de l’ombre ». Il a retracé les moments forts de la vie de Missak Manouchian qui « choisit, à 18 ans, de s’embarquer ivre, écrivait-il, d’un grand rêve de liberté », depuis l’Arménie à son engagement communiste en France et son histoire d’amour avec Mélinée Manouchian. « Missak Manouchian embrasse l’idéal communiste, convaincu que jamais en France, on n’a pu impunément séparer République et Révolution. (…) il rêve d’émancipation universelle pour les damnés de la terre. Et c’est ainsi que Missak Manouchian s’engage contre le fascisme au sein de l’Internationale communiste… Ivre d’un grand rêve de liberté, Missak Manouchian prend tous les risques », a-t-il poursuivi« Lui qui aime aimer se résout à tuer, comme ce jour de mars 1943 où il lance une grenade dans les rangs d’un détachement allemand. »« D’autres sont là, à ses côtés », a rappelé le Président qui a cité un à un les noms des compagnons d’arme de Manouchian qui entrent symboliquement avec lui au Panthéon. Il a raconté l’engagement de ceux qui « ont décidé de se battre pour le sol de la patrie ». Ceux « chassés de la surface du monde », des juifs qui ont vu leurs proches déportés, les anciens des Brigades internationales en Espagne, des « communistes qui ne connaissent rien d’autre que la fraternité humaine »…

Ensuite il a salué « ces 24 noms », « tout le cortège des FTP-MOI**, trop longtemps confinés dans l’oubli ». « Etrangers et nos frères pourtant », a-t-il dit, citant du poème de Louis Aragon « Français de préférence, français d’espérance. »

Le Président de la République a conclu son discours :« Entrent aujourd’hui au Panthéon 24 visages parmi ceux des FTP-MOI, 24 visages parmi ceux des centaines de combattants et otages fusillés comme eux dans la clairière du Mont-Valérien et qui tous désormais sont reconnus comme morts pour la France. La France de 2024 se devait d’honorer ceux qui furent 24 fois la France…Missak Manouchian, vous entrez ici toujours ivre de vos rêves, l’Arménie délivrée du chagrin, l’Europe fraternelle, l’idéal communiste, la justice, la dignité, l’humanité. Rêve français, rêve universel. Missak Manouchian, vous entrez ici avec Mélinée en poète de l’amour heureux. La France reconnaissante vous accueille. »

Une minute de silence puis une Marseillaise entamée par le chœur de l’armée française ont suivi la prise de parole du président de la République. Les cercueils de Missak et Mélinée Manouchian seront installés dans le caveau 13 de la crypte, où se trouvent déjà la chanteuse Joséphine Baker et l’écrivain Maurice Genevoix.

* Nous avons déjà présenté le programme du déroulé complet de la cérémonie dans notre numéro du jeudi 15 février (« NH »-Hebdo, page 7).

** FTP-MOI – Francs-tireurs et partisans – Main-d’œuvre immigrée.

Éditorial