Un événement attendu depuis fort longtemps par la communauté arménienne de Pologne s’est enfin réalisé le 2 septembre dernier à Zabrze. Dans cette ville de Silésie (sud-ouest du pays), grâce aux efforts de M. Hratchia Boyadjian, le Consul honoraire de la République d’Arménie, lors d’une cérémonie solennelle, les autorités municipales ont  officiellement remis à la communauté arménienne locale une église afin qu’elle puisse s’y réunir et célébrer le culte. La cérémonie s’est déroulée en présence de l’évêque Margos Hovannisyan, Primat des Arméniens d’Ukraine et de Pologne et de l’archevêque Khajag Barsamyan, Légat catholicossal pour l’Europe occidentale et représentant du Catholicos de tous les Arméniens auprès du Vatican. Participaient également à l’événement, M. Samvel Mkrtitchyan,  Ambassadeur de la République d’Arménie en Pologne et des représentants des autorités régionales et municipales. L’événement s’est poursuivi dans l’église St. Anne où a eu lieu la lecture officielle du Gontag (Lettre patriarcale) de Sa Sainteté Karékine II attribuant à M. Boyadjian l’Ordre de Saint Nersès Chnorhali (le Catholicos Nerses IV le Gracieux). Pour l’histoire, on retiendra que le drapeau de la ville est la copie parfaite du tricolore arménien.

Ces deux événements ont été suivis d’un concert du chœur « Saghmos » (Psaume) de la Cathédrale de Lviv (Ukraine) dédié au 850^ème anniversaire de la mort du Catholicos Saint Nersès, dans le cadre du 2^ème  Festival de la Culture Arménienne.

La chapelle attribuée à la communauté arménienne locale est située dans l’enceinte d’un hôpital de la ville. Le 17 avril, une délégation comprenant l’Ambassadeur de la République d’Arménie, Mgr Margos Hovannisyan,  le père Garabed Gharibyan et M. Arsen Hovsepyan, Président du Fonds arménien de Pologne, avait été reçue par M. Krzysztof Zabicki, Président du conseil d’administration de l’hôpital, qui alors présenté aux invités le bâtiment de l’ancienne chapelle qui devait être transformée en église arménienne. Un magnifique  khatchkar – copie de l’un de ceux détruits par l’armée azerbaïdjanaise dans la nécropole de Djulfa au Nakhitchevan – avait été inauguré à cette occasion pour commémorer le 655^ème anniversaire de la fondation du diocèse arménien de Pologne.

L’événement est d’une importance historique puisque cette église est le premier sanctuaire de l’Église apostolique arménienne en Pologne depuis 334 ans, c’est-à-dire depuis la conversion contrainte des Arméniens de la région au catholicisme en 1689.

De la très grande communauté née au Moyen-Age sur les terres de la Pologne et de l’Ukraine actuelles, il ne subsistait plus au début du 20^ème siècle que quelques petites communautés éparses très largement  assimilées, ne parlant plus l’arménien. Dans certaines citées, une partie des descendants de ces « Arméniens polonisés » avaient cependant préservé des bribes du rite arménien au sein de paroisses catholiques polonaises. Leur langue liturgique était encore le Krapar, mais les célébrants étaient le plus souvent des « polonais de souche ». Ni les célébrants, ni les fidèles qui suivaient ce rite ne pouvaient donc le comprendre.

Comme dans d’autres pays de la partie orientale de l’Europe, de nouvelles communautés sont nées à la fin du 20^ème s. en Hongrie, Bulgarie, Roumanie, Ukraine, République tchèque, Pologne. Originaires de la République d’Arménie, leurs membres ont pour certains émigré après le séisme de 1988, d’autres durant les années dites « d’obscurité et de froid » (Մութի ու ցուրտի տարիներ), durant la présidence de L. Ter Petrossian, puis durant le régime Kotcharian-Sarkissian. Ils constituent ce que les historiens et sociologues d’Arménie appellent souvent « la nouvelle diaspora ». Ces nouveaux migrants ont soit participé à la revitalisation d’anciennes communautés existantes, soit été à l’origine de nouvelles communautés. Leur installation dans ces pays redessine de ce fait la carte des paroisses et des diocèses de l’Eglise arménienne.

Pour approfondir la connaissance de la très ancienne communauté arménienne de Pologne, mais aussi des pays voisins, lire absolument le très riche et passionnant ouvrage de Claude Mutafian « La Saga des Arméniens de l’Ararat aux Carpates », Paris, Les Belles Lettres 2018.

Sahak SUKIASYAN