DÉCRYPTAGE – Le Haut-Karabakh connaîtra le même sort que Kars, si une élite patriote compétente et dévouée ne prend pas l’affaire en main

La réunion convoquée le 22 décembre par Samuel Chahramanian

Par Marc DAVO

En France, la loi sur l’immigration votée récemment défraie la chronique. Dans les réseaux sociaux certaines plateformes d’information crient au scandale, à l’islamophobie, à la xénophobie, à la discrimination et emploient toute sorte d’adjectifs et d’expressions qualifiant cette loi de scélérate … Ici, je n’entre pas dans le bienfondé ou non des dispositions de la loi dont le ministre de l’Intérieur Darmanin a élaboré. Mes propos s’adressent plus à certains contestataires qui se réfèrent habituellement à ce fameux « double standard » (deux poids-deux mesures) dès qu’il s’agit de stigmatiser  l’action de l’Occident. Mais où sont ces intellectuels, ces imams et militants qui fustigent  l’Occident accusé de malmener les musulmans. Où est Tariq Ramadan pour exercer sa verve dans les émissions de télévision, lorsque la soldatesque azérie coupe la tête des vieux paysans, massacre les enfants et viole les femmes au Haut-Karabakh ? Pas un mot, parce qu’il sont chrétiens ?  

Oui, le Sud-Caucase est loin, mais on ne peut pas dire qu’au moment des événements de septembre dernier, ces atrocités n’étaient pas connues du grand public. Outre les masses médias en Occident, les grandes chaines du Moyen-orient, Al-Jazeera ou Al-Arabiya ont fait écho aux ravages de la guerre déclenchée par l’Azerbaidjan avec l’appui de la Turquie et l’approbation de Moscou. 

Certains commentateurs ou hommes politiques lucides et objectifs ont exprimé leur crainte que le déclenchement de la guerre entre Israël et le Hamas le 7 octobre dernier, occuperait le  champ médiatique au détriment de l’information sur la guerre en Ukraine et les conséquences du nettoyage ethnique au Haut-Karabakh entamé par le régime d’Ilham Aliev ; nettoyage ethnique dont les prémices étaient déjà visibles depuis décembre 2022 (blocus du Haut-Karabakh). Les pronostics se sont avérés justes, encore que l’Ukraine s’en sort mieux que le Haut-Karabakh, si l’on peut le dire. On observe qu’après l’actualité sur Gaza, quelques incidents concernant l’Ukraine sont signalés, mais le malheur des Artsakhiotes, point ! Ainsi va le régime d’information dans le monde de la communication au XXIe siècle. Et, les autorités de Bakou l’ont bien compris, contrairement aux milieux journalistiques arméniens accrochés à leurs chapelles politico-financières. Ils ont un retard important à combler. 

Et voici que Samuel Chahramanian réunit ses affidés à Erevan. Son conseiller Vladimir Grigorian annonce (Azatutyun TV du 22 décembre) que le décret de dissolution des institutions du Haut-Karabakh à partir du 1er janvier 2024, signé certes sous la menace azérie, par le président issu du mini coup d’Etat, est nulle et non-avenue. Le président capitulard veut agir en tant qu’organisation non-gouvernementale. Plusieurs députés membres de la majorité au Parlement d’Erevan ont réagi en des termes acerbes. La réprobation venant du député Artur Hovhanissian est à cet égard significative, « … celui qui a signé la capitulation de l’Artsakh et qui a remis tout le matériel militaire à l’adversaire et qui a tenté d’attirer l’Arménie dans la guerre … ». On peut considérer que ces propos ont une valeur d’avertissement au groupe qui compte se réorganiser en Arménie et poursuivre son action anti-nationale.  

Il faut reconnaître que ce clan “has been”, pour employer un terme modéré, mais péjoratif, est celui qui s’est honteusement trompé dans ses calculs en voulant se montrer plus « royaliste que le roi » (« Merci la Russie », « Bon anniversaire Poutine », initiative de la députée Metaxia Hakobian visant à imposer la langue russe comme la langue officielle d’Artsakh , …).  

La diaspora et ses associations de bienfaisance intervenant avec raison en faveur de la population du Haut-Karabagh, objet d’un nettoyage ethnique atrocement douloureux, doivent couper tout lien avec « ces gens-là », sinon l’aide de la diaspora risquera fort de se volatiliser en grande partie dans leurs poches, à l’instar de certaines aides que les Arméniens de la diaspora les réunissant avec difficultés et souvent sacrifice ont envoyée au cours les 30 années écoulées. 

J’avais, dans mes articles précédents, fait écho aux réflexions d’un certain nombre de commentateurs et experts d’Arménie qui préconisaient la constitution d’un comité chargé des affaires des Artsakhiotes, indépendant des structures gouvernementales d’Erevan, mais installé à Bruxelles. Je réitère cette idée, car elle est la plus opérationnelle et politiquement efficace, ne mêlant pas officiellement le gouvernement d’Erevan à l’action de communication et politique en faveur de la question du Haut-Karabakh. Ainsi, l’Arménie ne sera pas accusée de connivence avec « une action contre l’intégrité de l’Azerbaidjan ».  Parallèlement, les associations arméniennes en France qui ont une expertise inestimable doivent apporter leur appui à ce comité. Les Karabakhtsis ne doivent pas en être écartés. Cependant, la population dans son ensemble est sous le choc et démunie. En l’état actuel des choses, elle n’est pas en mesure de relever le défi en tout cas au début. Ses élites nouvelles qui émergeront, formées loin des standards et mentalité à la soviétique, pourraient être mises à contribution, pour prendre progressivement en charge complètement son avenir et la défense de la cause de « l’Alsace-Lorraine » des Arméniens.  Là où il convient d’être vigilant, c’est la mise en place des garde-fous efficaces, pour empêcher la récupération politique par des individus incompétents et vaniteux.

Éditorial